Regardez !
Vous avez certainement entendu parler de The Last Of Us, la nouvelle série produite par HBO. Peut-être la regardez-vous déjà sur Prime Vidéo ? (En tout cas c’est ce qu’on fait au Labo).
Dans cette série adaptée du jeu vidéo du studio Naughty Dog, un champignon appelé Cordyceps infecte l’humanité, transformant les humains en zombies et précipitant la chute de la civilisation. Un postulat terrifiant qui amène à se demander si un tel phénomène pourrait véritablement se produire.
D’autre part, l’apparence de la plupart des champignons présentés à l’écran paraît familière aux spectateurs les plus avertis : le blob aurait-il finalement mené l’humanité à sa perte ?
Si l’intrigue de la série prend des libertés quant à l’exactitude biologique, elle s’inspire toutefois de faits bien réels, connus des scientifiques. Promis, cet article est garanti sans spoilers !
Il va y avoir des spores
Parmi les images les plus marquantes de la série, la croissance arborescente et spectaculaire des champignons a marqué le public dès le générique. De véritables toiles fongiques dont l’apparence rappelle très fortement celle du blob.
Pourtant le blob n’est pas un champignon, mais un amibozoaire (”Amoebozoa” sur le schéma ci-dessous). Bien qu’ils aient pour point commun de se reproduire par spores, les champignons et les blobs sont issus de règnes complètement différents.
Arbre Phylogénétique des Eucaryotes Le blob se trouvant dans le “super-groupe” des Conosa n’est pas le seul à être confondu avec un champignon. Les autres super-groupes en pointillés comprennent également des espèces qui ont été classées de façon erronée chez les champignons.
Pssst …. vous cherchez où sont les humains ? Trouvez le poisson ! Comme tous les animaux, les humains font partie des “Metazoa”, les Métazoaires.(📸 Tricholome)
Faux frère et tableau de famille
Pour représenter la menace principale, les décorateurs et graphistes de la série (et ceux du jeu vidéo avant eux) se sont inspirés de la nature tout en lui apposant une vision artistique et s’affranchissant des frontières biologiques des espèces. A l’écran, le fameux “Cordyceps” est un véritable bouquet fongique, composé de pas moins de 5 espèces différentes, dont l’une d’entre elles n’est même pas apparentée au règne des champignons.
© HBO
© HBO
Avec Samir de la chaîne La Nature et ses Secrets (1), nous avons reconstitué cette galerie d’authentiques portraits fongiques et myxomycien.
Parfois plusieurs espèces d’un même genre pouvaient convenir pour illustrer les inspirations des concept artists de The Last Of Us. Nous avons choisi les plus iconiques d’entre elles.
Des champignons…
… et un myxomycète
Qui est le coupable ?
Aucune de ces espèces n’est un parasite pour l’homme. En réalité leur présence simultanée dans la fiction permet avant tout d’offrir un spectacle macabre aux couleurs et aux formes variées mais qui se trouve en réalité tout à fait inoffensif. Aucun risque donc que l’un d’entre eux ne vous contamine ou qu’il transforme vos voisins en monstres cannibales.
Alors d’où vient cette histoire de zombies ? En réalité, je ne vous ai pas tout dit…
Une espèce parmi ces portraits est bel et bien meurtrière ! Avez-vous cerné laquelle ?
Le Cordyceps et la fourmi zombie
📸 João P. M. Araújo
Certaines espèces de fourmis dont les coupeuses de feuilles brésiliennes peuvent être parasitées par plusieurs genres de champignons aux noms fleuris : Ophiocordyceps unilateralis, Cordyceps kniphofioides, Cordyceps cucumispora… Voilà d’où provient le fameux “Cordyceps” qui a inspiré les créateurs de The Last Of Us.
Le véritable Cordyceps se développe principalement dans les forêts tropicales, notamment en Amazonie. Pour se reproduire, le champignon manipule une fourmi à la façon d’un marionnettiste : il envahit son corps et prend le contrôle de son comportement. Non pas en la dirigeant depuis le cerveau, comme le pensaient de prime abord les chercheurs, mais en prenant directement le contrôle périphérique de ses muscles (2).
La fourmi parasitée va alors, sous la contrainte, sortir de son nid et grimper le long d’une plante. Elle stoppe son ascension à environ 25 cm de hauteur, là où la température et l’humidité sont parfaitement adaptées au développement du champignon. Toujours sous influence, la fourmi utilise ses mandibules pour mordre la plante et s’y ancre fermement. Elle meurt alors, tandis qu’un long tube étrange commence à pousser depuis l’arrière de sa tête. Il s’agit du Cordyceps qui, maintenant visible, boucle son cycle de vie en relâchant des spores dans l’air environnant. Leur objectif : atteindre d’autres membres de la colonie.
🏆 Tableau de chasse
Les fourmis ne sont pas les seule victimes du Cordyceps : criquets, araignées, phasmes et autres petites bêtes ne sont pas épargnés. Il existe littéralement des milliers d’espèces de champignons Cordyceps et Ophiocordyceps, cependant chacune n’est spécialisée que pour des proies bien précises. Le Cordyceps militaris présenté dans la galerie de portraits, par exemple, parasite les larves et nymphes de papillons.
🔪 Un tueur méthodique
Bien que le cerveau de la fourmi ne soit pas envahi par le Cordyceps, une étude de 2019 a remarqué que les fourmis infectées subissent des altérations neurologiques et un stress important. Cependant, ces mêmes chercheurs ont également remarqué la présence d’ergothionine, un composé provenant du champignon qui est connu pour protéger les cellules neuronales.
Cette découverte suggère que le champignon, malgré les impacts indirects négatifs qu’il occasionne sur le cerveau, tente dans un même temps de le préserver. Quelle courtoisie ! Il est probable que la destruction trop rapide de la totalité des fonctions cognitives de la fourmi ne soit pas dans son intérêt. (3)
Panique fongique
Le premier épisode de la série s’ouvre sur un talk show de 1968 où le Dr Neuman, un scientifique fictif, explique la dangerosité de nombreuses espèces de champignons. Manifestement très en avance sur son temps, le Dr Neuman anticipe déjà que le réchauffement planétaire puisse permettre à certains champignons de s’adapter et de coloniser de nouvelles proies à la température corporelle plus élevée que les insectes, à savoir les humains.
Une hypothèse largement nuancée par le chercheur américain John Perfect et son équipe, des scientifiques quant à eux bien réels et experts des maladies infectieuses. Ils expliquent dans une étude de 2014 (4) que parmi les millions d’espèces fongiques présentes sur Terre, seule une poignée possède les quatre caractéristiques nécessaires pour infecter les humains : tolérance aux températures élevées, aptitude à envahir un organisme humain, capacité à absorber nos tissus, et résistance à notre système immunitaire.
Même si des champignons peuvent évoluer pour augmenter leur nombre de cibles potentielles, la communauté scientifique est d’avis qu’un scénario à grande échelle tel que celui de The Last Of Us reste de la fiction.
Elle relativise néanmoins en précisant que chaque année environ 1,3 million de personnes meurent à cause de maladies fongiques.
De son côté, le blob est totalement inoffensif. Mais son aspect étrange et sa capacité naturelle à former de fabuleux réseaux en arborescence en font une source d’inspiration parfaite pour imaginer un scénario catastrophe spectaculaire. Après tout, son nom “blob” provenait bien d’un film de science-fiction !
🍽 La petite bête ne mange pas la grosse
Non seulement le Cordyceps n’a jamais attaqué un humain, mais c’est plutôt l’inverse : certaines espèces de chenilles parasitées par le Cordyceps sinensis sont traditionnellement consommées comme tonique en médecine chinoise. Vous reprendrez bien un peu de chenilles zombifiées ?
📚 Références
- (1) Samir de la chaîne “La nature et ses secrets” Une chaîne (géniale) pour découvrir pas à pas toutes les anecdotes sur les champignons de nos forêts. Retrouvez Samir sur : Tiktok Instagram
- (2) Hughes DP. et al., Three-dimensional visualization and a deep-learning model reveal complex fungal parasite networks in behaviorally manipulated ants. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2017. doi:10.1073/pnas.1711673114 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29114054/
- (3) Loreto RG, Hughes DP., The metabolic alteration and apparent preservation of the zombie ant brain. J Insect Physiol. 2019. doi: 10.1016/j.jinsphys.2019.103918. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022191019301404
- (4) Köhler JR, Casadevall A, Perfect J., The spectrum of fungi that infects humans. Cold Spring Harb Perspect Med. 2014. doi: 10.1101/cshperspect.a019273. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4292074/
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